Crise à la frontière de l’Europe : Comprendre les tensions entre l’Algérie et le Maroc

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Le 27 avril 2022, Alger a menacé de rompre le contrat de fourniture de gaz naturel qui le lie à Madrid si ce dernier acheminait ce gaz naturel dans un pays tiers. Ce communiqué de Mohamed Arkab, ministre algérien de l’Énergie et des Mines, intervient suite à l’annonce faite par Teresa Ribera, ministre espagnole de la Transition écologique et du Défi démographique, de refaire fonctionner en sens inverse le Gazoduc Maghreb Europe (GME).

Il s’agit d’un pipeline sous-marin qui part de l’Algérie à destination de l’Europe en traversant le Royaume du Maroc. Il faut dire que les tensions entre l’Algérie et le Maroc durent depuis 1963. Cette situation crée une atmosphère délétère à la frontière méditerranéenne de l’Europe.

Tensions entre l’Algérie et le Maroc : entre rivalité ancienne et crise actuelle

Le Maroc et l’Algérie sont parmi les pays du Maghreb qui entretiennent les relations les plus tendues. Cette situation date de la période des décolonisations, mais ces manifestations perdurent encore aujourd’hui sans manquer de dégrader la situation sécuritaire dans la région.

Rupture de relation diplomatique entre Rabat et Alger

L’été 2021 est une période particulièrement tendue dans les relations bilatérales entre Alger et Rabat. Cette période est marquée par la rupture des relations diplomatiques entre les 2 États. Pour cause, Alger accuse Rabat d’espionnage de hauts fonctionnaires algériens et de soutien au mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie, un mouvement indépendantiste localisé dans le nord de l’Algérie.

Toute cette tension s’est soldée par une rupture pure et simple des relations diplomatiques et de la communication entre les capitales algérienne et marocaine. Cela augmente considérablement le risque d’escalade dans la région.

Course aux armements et militarisation des frontières

La question de la frontière est l’une des principales pierres d’achoppement. La première crise armée entre le Maroc et l’Algérie (la guerre des sables) est la résultante de frontières disputées depuis la fin de la colonisation. Ces frontières sont aujourd’hui militarisées au point de faire craindre un affrontement ouvert entre les 2 capitales.

Ces dernières années, l’Algérie a augmenté ses dépenses militaires au point d’avoir le budget de défense le plus important du continent africain. Le pays a notamment acquis des sous-marins, des navires de guerre, des chasseurs et bombardiers via son principal allié, la Russie. Ces 2 pays ont renforcé leur coopération depuis le début de la crise en Ukraine

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Le Maroc n’est pas en reste dans ce développement militaire. Il a en effet signé des accords de défense avec des États comme Israël, les USA et la France. Mais le Royaume du Maroc a surtout opté pour le développement d’une industrie de défense locale.

Tensions sur fond de crise au Sahara Occidental

Le Sahara Occidental est une région bordée au sud par la Mauritanie et au nord par le Maroc. Ce territoire partage 39 km de frontière avec l’Algérie à l’ouest. Cette ancienne colonie espagnole est en tête de liste des territoires contestés dans le monde. Le Maroc y revendique une souveraineté et administre une partie de cette région. L’autre partie du territoire (le sud) est contrôlée par le Front Polisario, une force de résistance soutenue par l’Algérie.

Grâce à un réseau diplomatique assez actif, le Maroc parvient à obtenir la reconnaissance de sa souveraineté sur le Sahara Occidental par plusieurs pays occidentaux, notamment l’Espagne. Le soutien affiché que Madrid a affirmé vis-à-vis du Sahara marocain n’a pas manqué de provoquer de vives réprobations de la part d’Alger, au point de rappeler l’ambassadeur Algérien en Espagne.

Et l’Europe dans tout ça ?

L’Europe est dans une position délicate dans cette crise algéro-marocaine. Entre partenariat privilégié et accès à l’énergie, elle se retrouve en effet dans une situation assez complexe.

Les dommages collatéraux

L’Europe peut être considérée comme un dommage collatéral dans les tensions entre l’Algérie et le Maroc. Elle découvre, avec la crise en Ukraine, les dangers de la dépendance énergétique vis-à-vis d’un seul fournisseur. Dans un tel contexte, l’Algérie utilise la carte de l’énergie pour faire pression sur l’Europe en vue de servir ses positions dans sa rivalité avec le Maroc.

L’Algérie accepte de rouvrir le gazoduc Transmed qui achemine le gaz jusqu’en Italie, mais est prête à fermer le robinet au Portugal et à l’Espagne si cette dernière concrétise son projet de refaire fonctionner le Gazoduc Maghreb Europe. Alger n’hésitera donc pas à utiliser le levier de l’énergie dans sa confrontation avec Rabat, sachant que son gaz devient de plus en plus indispensable à l’Europe.

Diversifier les sources d’approvisionnement

Dans cette crise énergétique sur fond de rivalité régionale, l’Europe est dans l’obligation de trouver d’autres sources d’approvisionnement. L’objectif est d’éviter de commettre l’erreur commise avec les Russes.

Pour cela, il n’est pas question de rompre avec le partenaire algérien. Il s’agira plutôt d’accélérer la transition énergétique pour réduire au maximum les dépendances aux exportations. Mais d’ici là, il faudra se contenter des importations américaines de gaz naturel liquéfié (GNL) et de l’approvisionnement qatari.

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