[Billet de blog] Alors qu’il est président sortant, comment Emmanuel Macron a-t-il pu récolter autant de voix dès le premier tour ?
Après avoir survécu à la crise sociale des gilets jaunes, celle sanitaire du coronavirus et celle géopolitique de l’invasion russe en Ukraine, l’actuel président a battu tous les records lors de ce premier tour de l’élection présidentielle.
- Comment a été menée sa campagne ?
Alors que les militants de La République En Marche (LaRem) et de la majorité présidentielle (Agir, Horizons, TDP…) se sont mobilisés depuis l’automne 2021, notamment en distribuant le bilan du Président, ce dernier a dû se contenter d’une lettre adressée aux Français le 4 mars pour son entrée officielle en campagne. En effet, devant adapter son agenda à la situation internationale, Emmanuel Macron s’est contenté de la sobriété en diffusant à la presse quotidienne régionale une lettre de 3 pages affirmant ses valeurs progressistes, européennes et de rassemblement.
La campagne étant menée pendant de nombreux mois avec comme seul support le bilan du quinquennat, le programme officiel du président s’est fait attendre, n’ayant été dévoilé à la presse que le jeudi 17 mars, pendant son grand oral. Ainsi, cette longue période de communication sur les lois votées, les ordonnances publiées et les réformes abouties tout au long de ces cinq ans ont permis aux Français de faire leur choix en toute connaissance de cause.
Emmanuel Macron a affirmé qu’il aurait préféré mener une plus longue campagne, notamment en rencontrant plus de Français, mais, comme ses prédécesseurs, le temps lui a manqué et son devoir l’a rattrapé. Ce dernier, en choisissant de ne pas participer à un débat avant le premier tour, choix vivement critiqué par l’opposition, ne s’est d’ailleurs pas non plus éloigné de François Mitterrand ou de Jacques Chirac. En effet, leur logique était qu’un débat opposant un président sortant à tous ses concurrents serait un véritable défouloir pour tous ses opposants. Un combat à un contre onze aurait-il été démocratique ? Au vu de la qualité médiocre des débats menés pendant cette campagne, en proposer un rassemblant l’ensemble des participants à la présidentielle n’aurait-il pas dégoûté et éloigné les Français encore un peu plus de la politique ?
- Comment expliquer cette réussite électorale ?
Fidèle à son projet de dépassement du clivage gauche-droite qui a façonné la vie politique de la Vème République, le président sortant a dévoilé un projet réunissant, comme en 2017, des mesures considérées de droite comme de gauche. Prônant le décalage de l’âge de départ légal à la retraite à 65 ans, sauf pour les métiers pénibles, mais aussi une augmentation de la pension minimale de retraite à 1100 euros par mois, le président prouve son attachement à la politique du « en même temps », qui cherche à ignorer les origines prétendues de certaines mesures ou orientations partisanes, afin de concrétiser sa vision socio-libérale du pays.
En se présentant comme l’unique adversaire crédible des extrêmes dès le premier tour, le président-candidat a su séduire un électorat avant tout attaché à des principes démocratiques et républicains. Dépouillant d’un côté la gauche socialiste et écologiste de ses partisans les plus centristes, mais aussi la droite la plus modérée, il a parachevé son projet d’effacement de cette opposition historique.
L’on a pu apercevoir dès les minutes qui suivaient l’annonce des résultats du premier tour de l’élection présidentielle, que ce nouveau combat entre l’extrême droite et le camp profondément démocrate et républicain allait de nouveau se jouer. Le premier se contentera du soutien du thuriféraire Éric Zemmour et de l’inqualifiable Nicolas Dupont-Aignan, tandis que le second rassemble tant les communistes de Fabien Roussel, les socialistes d’Anne Hidalgo, les écologistes de Yannick Jadot, que les Républicains de Valérie Pécresse. Peuvent s’y rajouter les Insoumis de Jean-Luc Mélenchon, qui a lui martelé trois fois un appel à ne « pas donner une seule voix à Madame Le Pen », ou encore les anticapitalistes de Philippe Poutou, qui a appelé ses électeurs à faire de même.
Le contexte international, qui a consacré le statut de défenseur du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » et de la démocratie au président, a bien sûr joué un rôle important dans le choix des électeurs en ce dimanche 10 avril 2022. Les candidats qui avaient auparavant témoigné de leur soutien envers Vladimir Poutine et sa politique, soit Mélenchon, Zemmour et Le Pen, ont en effet été rattrapés par l’histoire ; ces positions ont joué un rôle décisif dans la perception qu’avaient d’eux les Français puisque, d’après un rapport de la Fondation pour l’innovation politique, 45 % des électeurs avaient estimé que la guerre en Ukraine aurait un impact sur leur choix dès le premier tour de l’élection présidentielle.
- Sources :
https://www.ledauphine.com/politique/2022/02/16/jean-luc-melenchon-est-il-un-soutien-du-regime-russe