Vladimir Poutine répète depuis le début que l’opération militaire en Ukraine qu’il a engagée dans le mois de février vise aussi à protéger l’intégrité de son territoire. Cela impliquait d’empêcher l’Ukraine d’intégrer l’OTAN, et partant, d’empêcher une « militarisation » du pays par ladite organisation.
La demande de la Finlande et de la Suède d’intégrer l’OTAN sonne comme un coup de tonnerre à Moscou. Le moins qu’on puisse dire, c’est que cette nouvelle est susceptible de réduire à zéro toute la stratégie de la Russie dans cette crise. Alors, quels sont les réels enjeux géopolitiques qui sous-tendent la demande d’adhésion de la Finlande et de la Suède dans l’OTAN ?
Implications stratégiques de l’entrée de la Finlande et de la Suède dans l’OTAN
Le 15 mai 2022, la Suède et la Finlande ont officiellement déposé leur candidature pour intégrer l’OTAN. Il s’agit là d’un acte qui rompt littéralement avec le statut traditionnellement neutre de ces 2 États. Cette demande d’intégration a nécessairement des implications stratégiques pour le moins cruciales dans l’issue de la guerre que la Russie a déclenché en Ukraine.
Comme argument pour l’invasion de l’Ukraine, Vladimir Poutine a énoncé entre autres la nécessité de repousser l’avancée de l’OTANà ses frontières. Mais cette demande d’adhésion de la Suède et de la Finlande vient littéralement ébranler la stratégie russe.
La Finlande et la Suède partagent en effet plus d’un millier de kilomètres de frontière avec la Russie. Et plus encore, une base militaire dans ces deux pays pourrait exposer des villes comme Moscou, Saint-Pétersbourg ou encore l’enclave de Kaliningrad. Cela priverait la Russie de son accès à la Mer Baltique. Si ces 2 États sont restés neutres depuis plusieurs années, c’est bien par obligation dû à leurs positions respectives.
Marges de manœuvre de la Russie vis-à-vis de la demande d’adhésion de la Finlande et de la Suède dans l’OTAN
Le scénario de l’Ukraine est-il possible pour la Finlande et la Suède ?
Envahir la Finlande et la Suède pour prévenir une éventuelle adhésion à l’OTAN ? C’est plus facile à dire qu’à faire. Et surtout, la Russie n’a ni les moyens ni l’intérêt de tenter une invasion de la Suède et de la Finlande en vue de prévenir une possible adhésion à l’OTAN.
Pourquoi la Russie ne peut pas envahir la Finlande et la Suède ?
- La capacité militaire de la Suède à elle seule est supérieure à celle de l’Ukraine d’avant l’invasion de février dernier. Aussi, la Suède dispose de sa propre industrie militaire. Elle produit des armes de qualité qui sont hautement compatibles avec celles produites par les membres de l’OTAN. Ce qui est particulièrement avantageux si elle reçoit de l’aide venant de l’OTAN. Alors s’attaquer aux 2 États à la fois peut être suicidaire.
- La Russie est déjà impliquée dans une guerre qu’elle peine à gagner vu l’importance des soutiens des alliés de l’OTAN. Il lui faudra du temps pour reconstruire une armée suffisamment équipée pour engager une autre guerre dont l’issue pourrait être plus incertaine que celle de l’Ukraine.
- La Suède et la Finlande pourraient bénéficier de plus de soutiens de la part de l’OTAN que ce dont a bénéficié l’Ukraine. Même si les membres de l’Alliance commencent à être essoufflés par la quantité d’aide envoyée en Ukraine.
- Une énième guerre déclenchée par la Russie lui ferait perdre en alliés. Ce qui est inadmissible si la Russie souhaite se relever économiquement après l’épisode de l’Ukraine.
Toutes ces raisons, qui ne sauraient être exhaustives, empêchent l’option de la guerre avec la Suède et la Finlande. Mais il y a un autre levier qui pourrait changer littéralement la donne dans ce jeu d’échecs qui se déroulent actuellement à l’Est.
La Turquie comme alliée de la Russie pour faire barrage à l’adhésion de la Suède et la Finlande à l’OTAN
Juste après l’annonce officielle de la demande d’adhésion de la Finlande et la Suède à l’OTAN, la Turquie a posé son véto. Le fonctionnement de l’OTAN oblige qu’il y ait consensus pour qu’une demande d’adhésion soit acceptée. C’est en cela que le véto posé par la Turquie, qui est membre de l’Alliance, fait barrage à l’adhésion du binôme Suède et Finlande.
Mais il s’agit là d’un pari risqué pour la Turquie. En effet, Erdogan est considéré comme le mauvais élève de l’OTAN. Il n’a pas hésité, chaque fois que l’occasion s’est présentée, à manifester son opposition aux USA et même à faire pression sur les autres membres de l’Alliance avec les questions de l’immigration. Mais à quoi servirait une énième confrontation avec toute l’Alliance au risque de fâcher encore les États-Unis ? Que gagnerait concrètement Erdogan en faisant barrage ?
Une chose est certaine, la Turquie n’utilisera pas son véto juste pour plaire à Moscou. Erdogan est prêt à vendre son vote au plus offrant. Il faut noter que la Turquie a été exclue du programme de développement du F-35, et attend encore sa livraison de F-16 qu’elle a commandée depuis 2021 et pour lequel elle a déjà payé plusieurs milliards de dollars d’avance. Elle pourrait donc utiliser son vote pour négocier des avantages avec les Alliés.
Du côté de la Russie, Moscou est prêt à concéder les ongles des pieds pour obtenir le vote d’Ankara. Les prochains jours seront déterminants pour l’issue de la crise qui déchire l’Europe actuellement.
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