Invasion russe de l’Ukraine : quelles conséquences au regard du droit international ?
La guerre menée par la Russie contre l’Ukraine rompt des décennies de stabilité européenne. Le droit international a contribué à cette stabilité et les violations des règles internationales sont les plus apparentes du conflit russo-ukrainien actuel. Quelles règles internationales sont enfreintes ? Quelles conséquences internationales et géopolitiques en perspective ?
Violation des conventions internationales et des règles humanitaires en Ukraine
Le droit international contemporain tient ses fondements des conventions et des coutumes, a priori “internationales”. Ces sources ont une particularité que peu d’ordres juridiques possèdent : elles énoncent des règles impératives et des principes fondamentaux auxquels aucune dérogation n’est admise. L’interdiction du recours à la force armée dans les affaires internationales est une de ces règles impératives dites de Jus cogens. L’article 2 paragraphe 4 de la Charte des Nations Unies énonce clairement ce principe :
« Les membres de l’organisation s’abstiennent dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies »
L’Acte final d’Helsinki, issu de la Conférence d’Helsinki le 1er août 1975 a organisé le respect des frontières en Europe mieux que la Charte des Nations Unies. Il contient entre autres les principes traditionnels suivants : l’inviolabilité des frontières, l’intégrité territoriale des États, le règlement pacifique des conflits et le respect des droits de l’homme ainsi que des minorités.
La Fédération de Russie, pourtant fondatrice des Nations Unies, a enfreint les règles sacrées internationales et bien d’autres. En annexant l’Ukraine en février 2022, la Russie a violé les textes fondamentaux des Nations Unies, les statuts du conseil de l’Europe dont est membre la Russie, des traités régionaux organisant la paix en Europe, l’Acte final de la Conférence d’Helsinki et même des traités bilatéraux signés avec l’Ukraine.
Pourtant l’invasion n’était pas un secret de polichinelle. En février et mars 2014, l’invasion de la Crimée par la Russie préfigure l’actuelle situation, quand bien même les prétendues réelles intentions du président Vladimir Poutine étaient ignorées selon les observateurs internationaux.
La guerre est encadrée par le droit international humanitaire, une branche du droit international pour protéger des civils et limiter les dégâts. Les Conventions de Genève de 1949, les protocoles additionnels et bien d’autres règles coutumières garantissent la protection des civils, le respect des droits de l’homme et la réglementation des moyens et méthodes de guerre. D’ailleurs, l’Ukraine et la Russie font partie de nombreuses Conventions européennes des droits de l’homme.
La qualification des hostilités russes en Ukraine de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité voire de génocide n’est affirmée par aucune Cour internationale. Cependant, malgré les incertitudes sur les barbaries de Boutcha, des massacres de civils et l’usage d’armes non conventionnelles sont dénoncés de toute part. Le procureur de la Cour pénale internationale, Karim Khan a qualifié le 13 avril l’Ukraine de « scène de crime » lors de sa visite à Boutcha. De même pour le secrétaire général d’Amnesty International, Agnès Callamard qui interpelle la communauté internationale sur « une catastrophe pour les droits humains » :
« Nous devons garantir que les victimes de crimes de guerre en Ukraine, dont il est tragique de constater qu’elles sont de plus en plus nombreuses, entendent le message que la communauté internationale est déjà déterminée à obtenir réparation. »
Conséquences au regard du droit international
L’Europe suit une des crises internationales les plus inquiétantes du XXIe siècle. Les conséquences bouleversent déjà les relations internationales.
La menace d’une guerre nucléaire ou d’une guerre totale ou mondiale est alarmante. En effet, l’élimination des armes nucléaires a été un objectif partagé en Europe et même dans les pays d’Asie et d’Afrique. Actuellement les menaces s’intensifient. Dès la déclaration de guerre contre l’Ukraine, le président Vladimir Poutine a mis en garde « toutes interventions de l’extérieur » qui conduiraient à des « conséquences jamais rencontrées dans l’histoire ». Des tests de missile balistique s’effectuent comme celui de Sarmat.
L’efficacité des institutions européennes sur la scène internationale est aussi discutée. L’ancien président français Nicolas Sarkozy a mentionné l’urgence de « faire preuve d’imagination et de créativité pour créer les conditions de l’installation de nouvelles institutions multilatérales » afin de venir à bout de la crise internationale car aujourd’hui : « l’OTAN, le G7, le G20 et même l’ONU » ne fonctionnent pas.
En outre, la question des responsabilités pour crimes de guerre en Ukraine se pose. De plus, la protection des droits de l’homme dans les prochains jours par la CEDH sur le territoire russe est désormais incertaine considérant la démission puis l’exclusion de la Fédération du Conseil de l’Europe.
L’invasion de l’Ukraine engendre également des déplacements massifs. Le droit des minorités se trouve au cœur même du conflit. Mi-avril 2022, plus de 7,1 millions d’Ukrainiens ont été contraints de se déplacer à l’intérieur de leur pays et plus de 4,6 millions de personnes ont dû fuir l’Ukraine depuis le 24 février et le début de l’invasion russe, comme le montre le graphique de la Fondation Robert Shuman.
Les relations internationales prennent une dimension d’intimidation incessante, de la Russie sur les États baltes pour les dissuader d’adhérer à l’OTAN. Une expansion des relations russes à travers le monde et surtout en Afrique s’observe aussi. Quant à l’Ukraine, entre la guerre et l’adhésion ou non aux institutions européennes, l’incertitude demeure.
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