Après des années de galère, Lucas Pouille est de retour dans le tableau principal d’un Grand Chelem, à Roland-Garros. Dans un court 14 incandescent, le 670ème mondial a validé son billet en battant l’Autrichien Jurij Rodionov (1-6, 7-5, 6-0). En dedans au 1er set, le Nordiste a bataillé en début de seconde manche pour renverser le cours des choses, et tout a fini par se mettre en place. Profitant d’un gros coup de mou physique de son adversaire et porté par un public en fusion, Pouille a remporté les 8 derniers jeux pour s’imposer. Très ému sur sa chaise, il a contenu quelques sanglots, la tête sous la serviette, et s’est finalement offert un tour d’honneur.
Voici le résumé de sa conférence de presse.
Là il y a de l’émotion, une belle émotion ?
Oui c’est de la belle émotion. Quand on voit toute ma famille, mes amis, et tous les gens sur le court… (ému) dans cet état là, à la fin du match… C’est la libération et toutes les émotions lâchent un peu. En fait, je n’ai même pas grand chose à dire sur les émotions tellement elles étaient fortes. Je ne me souviens pas avoir vécu ça, 2017 c’est déjà très loin. Ca fait tellement longtemps que je n’ai pas vécu ça, que c’est au-dessus de tout.
Ça représente quoi d’intégrer ce tableau final ?
Tout. Tout ce pourquoi j’ai repris la Raquette en fin d’année. Ca me conforte aussi dans l’idée que j’ai encore pas mal de choses à donner, à faire dans dans ce sport. Se qualifier dans les Grands Chelems, c’est toujours une bonne indication sur le niveau de jeu qu’on a. C’est très difficile pour tous les joueurs, donc je suis extrêmement fier de moi, extrêmement heureux aussi pour toutes les personnes qui qui m’aident depuis des mois à essayer de revenir.
Ca faisait un an que vous n’aviez plus disputé de Grand Chelem.
Oui, et ce n’était pas le plus beau de mes souvenirs en Grand Chelem. Je me souviens, l’année dernière, il était 22h30, 23h… Quand j’ai terminé on était avec avec Thierry, Félix, mon kiné, ma femme, sur une table dans le restaurant et il n’y avait plus personne. Personne ne disait un mot et moi, j’avais la tête basse. Et à me répéter comme chaque jour : « Qu’est-ce que tu fais sur un terrain ?« . Donc ce n’était vraiment pas une une bonne période. Mais aujourd’hui j’ai le sourire et je suis-je suis extrêmement heureux sur le court, avec tout ce que le public nous donne… C’est juste fantastique.
Vous vous rendez compte que vous donnez des émotions ? Clémence (sa femme, ndlr) a fait un malaise entre le 2ème et le 3ème set.
Ah ? Je ne l’ai pas encore vue. Mais je ne les regarde pas trop pendant le match… A un moment, je crois qu’il y avait 3-0, j’ai croisé le regard de mon frère et je l’ai vu un peu ému. Ca me touche donc j’évite de les regarder. J’essaie de ne regarder que mon coach qui est un peu moins dans l’émotion pour arriver à rester dedans, sinon ça me ça me submerge un peu trop. Mais elle était là chaque jour, ça fait 12 ans qu’elle est là, qu’elle vit à mes côtés, qu’elle vit tennis. Qu’elle est là dans les bons comme dans les pires moments. Ce n’est pas facile pour elle non plus quand moi je ne vais pas bien, mais elle a toujours fait face. Je les remercie tous !
Elle nous a même dit qu’elle était convaincue que vous n’étiez pas fini pour le tennis !
Oui, c’était une grande tension l’an dernier. Quand j’ai arrêté, elle a eu du mal avec ça. Mais il n’y avait que moi qui pouvais ressentir ce que j’avais au fond de moi. Elle n’a jamais arrêté de me poser la question « Et là ça ne te donne pas envie ?« . Et un jour je lui ai dit « On va à Bercy » parce que je voulais être là pour la dernière de Gilles (Simon, ndlr). J’ai tapé la balle avec Pierre-Hugues (Herbert, ndlr), elle est venue sur le terrain et elle m’a dit « On ne sait jamais, si ça se trouve c’est la dernière fois que je te vois taper« . Elle m’a vu prendre du plaisir et m’a convaincu que ce n’était pas terminé. Mais c’est un tout, c’est grâce à elle, c’est grâce mes tous proches amis, toute ma famille bien sûr et moi-même. C’est très important.
Est-ce que vous êtes un joueur différent aujourd’hui sur le court, est-ce que vous avez une plus grande sensation de ce que valent les choses ?
En tout cas en tout cas, ici, c’est sûr. Mais il y a quelques semaines aux États-Unis, c’était loin d’être bon avec un voyage qui avait commencé de la pire des manières, où je n’avais pas eu la meilleure attitude. Je ne sais pas si je suis un joueur différent mais ce qui est sûr c’est que je vais profiter un peu plus des des choses, un peu plus de ces émotions là. Alors qu’avant, j’étais toujours sur le prochain match. Tu ne profites pas du moment. Et c’est aussi pour ça que j’ai eu envie de rester sur le terrain, envie de profiter de tous ces gens qui ne m’ont apporté que du plaisir, que du bonheur, que de l’amour. C’est certain qu’aujourd’hui j’essaie d’en profiter au maximum, sans avoir en permanence une pensée sur la suite, sur les conséquences, sur ce que va me rapporter le tournoi en terme de points, en termes d’argent… Essayer de kiffer un peu, c’est ça l’important !
Alcaraz et Medvedev vont jouer un qualifié…
Aujourd’hui, c’est ce qui se fait mieux dans le monde du tennis, je ne pense pas en être à ce niveau là, même si j’ai très bien joué (rires). Il y a encore des marches à gravir avant de revenir à ce niveau là. Si je tombe contre eux, ce n’est pas 200%, mais je devrai être à 10000% pour essayer de faire le mieux possible avec un public aussi derrière moi. Mais j’aimerais bien prendre un joueur contre lequel je peux encore jouer sur le court 14 (rires). Contre eux, ça sera sur le Chatrier, sur un grand court, ils ne feront que courir et ramèneront tout ! Ca sera l’enfer ! (rires)
Est-ce que vous pouvez nous dire à quel point le public vous a aidé pendant ces 3 matchs ? Aujourd’hui, c’était quasiment une ambiance de Coupe Davis.
Oui, c’était presque plus, j’ai envie de dire presque plus ! A partir du moment où je suis rentré sur le terrain, il y a une émotion qui est montée. J’ai eu un peu mal à contrôler sur les premières balles d’échauffement. Mais c’est ce qui m’a aussi donné la force de revenir, la force de me battre en ce début de 2ème set et le début du 3ème. Ils ont été… Il n’y a même pas de mots pour dire ce qu’ils ont été, c’était juste incroyable !
Ca faisait longtemps que vous n’aviez pas enchaîné 3 victoires. Est-ce que vous vous sentez bien physiquement, capable d’enchaîner encore ?
Là j’ai deux jours, peut être trois en espérant ne pas jouer dimanche (petit message à Amélie – rires). Chaque jour je découvre de nouvelles petites douleurs dans mon corps, au pied, au bras… C’est surtout la tension, ce n’est pas le physique, c’est les émotions ! Il faudra bien se détendre, faire toute la récupération nécessaire, prendre un peu de temps pour moi demain et repartir à l’entraînement pour se préparer.