La Chine, proche de la Russie depuis quelques décennies, se doit d’adopter une certaine position vis-à-vis de ce nouveau conflit armé, véritable cataclysme des relations internationales.
Ainsi, ces deux nations, partageant une pléthore de points communs, sont-elles les « meilleures amies du monde », ou bien leur relation se caractérise-t-elle par un partenariat stratégique dans des domaines d’avenir ?
- Quelle est l’histoire des relations entre la Chine et la Russie ?
Dès le lendemain de la Seconde guerre mondiale, un rapprochement tant économique qu’idéologique s’effectue entre les deux pays. C’est ainsi qu’est signé, par Mao et Staline, le traité d’amitié sino-russe le 14 février 1950. Les relations entre les deux pays vont bon train, en partie car la RPC n’étant alors reconnue que par des pays communistes, l’alliance avec l’URSS était nécessaire. Cette dernière fournit donc une aide non négligeable au développement de la Chine communiste, et ce jusqu’à la mort de Staline. Cet évènement majeur, bouleversement de la politique russe, entraîne une grave dégradation des relations entre les deux pays. L’acmé de cette détérioration est atteinte durant le conflit frontalier sino-soviétique de 1969, qui verra s’affronter les armées régulières des deux nations. Un apaisement des relations suivra ensuite la mort de Mao.
Assez étonnamment, les pays se rapprocheront réellement peu après la chute de l’URSS, alors que l’économie de Pékin vise à se libéraliser, et celle de Moscou à se redynamiser. Leurs objectifs premiers étaient donc d’établir une relation de confiance, de partenariats économiques, mais aussi d’établir un contrepoids à la superpuissance américaine en devenir (d’où la création en 2001 de l’Organisation de coopération de Shanghai).
Depuis les années 2000, leurs échanges économiques n’ont fait qu’augmenter, la Chine important de plus en plus de gaz et pétrole russes, et la Russie tentant de s’éloigner du marché américain pour se rapprocher de celui chinois. En effet, la part de pétrole russe dans la totalité des importations de pétrole brut chinoises a augmenté annuellement de 18% entre 1996 et 2017 et, en 2018, les échanges commerciaux entre les deux pays ont dépassé la barre symbolique de 100 milliards de dollars.
D’un point de vue plus géopolitique, il est important de noter la neutralité chinoise lors de l’annexion russe de la Crimée en 2014. Par des prises de position insipides, en prônant la résolution du conflit par des voies diplomatiques et non des sanctions économiques, Pékin cherchait évidemment à éviter toute répercussion économique, étant très impliquée dans les marchés européens et américains.
- Quelle est l’attitude de Pékin vis-à-vis de l’invasion russe de l’Ukraine ?
Antoine Bondaz, spécialiste de la Chine, définit la position de la Chine vis-à-vis de la guerre ukrainienne comme un « silence stratégique ». En effet, similairement à son attitude lors de l’annexion de la Crimée, Xi Jin Ping opte pour une certaine neutralité dans ses propos, bien qu’il soutienne implicitement la Russie. Cette dernière, qui n’espérait aucune aide armée de Pékin, attendait simplement un soutien politique.
Néanmoins, l’attitude de la Chine marque actuellement un tournant dans son rapport à l’Occident. Elle dénonce effectivement l’extension de l’OTAN, qui justifierait alors les inquiétudes russes. Elle ne peut pas s’opposer frontalement ou directement aux États-Unis ou à l’Europe, par peur de sanctions et représailles économiques, mais elle profite de ce nouveau conflit de haute intensité pour observer attentivement les réactions européenne et américaine, ayant toujours Taïwan en ligne de mire.
L’on ne peut donc pas évoquer d’alliance sino-russe, mais plutôt un partenariat dans des secteurs stratégiques et géopolitiques (domaine spatial, énergétique, opposition à l’OTAN…). Une confiance règne entre ces deux nations, et un même régime les caractérise : celui d’un pouvoir autoritaire se revendiquant démocratique, mais de facto répressif et anti-démocratique.
- Que recherche Pékin dans ce conflit ?
Pékin observe très attentivement les répliques occidentales vis-à-vis de cette invasion, mais cherche aussi à se montrer comme un pouvoir non-belligérant. L’OTAN est non seulement mise à l’épreuve, mais la domination occidentale sur ce monde multipolaire l’est aussi.
En revanche, la Chine, cherchant avant tout une stabilité pérenne afin de développer encore et toujours son économie, voit ses plans contrariés par ce profond déséquilibre mondial. La Russie étant dépendante du marché européen, dont elle devra de plus en plus se passer, la seule issue reste celui chinois. Or, la RPC, qui vise à retrouver sa dynamique ante-Covid, se retrouve dans une situation délicate : d’un côté, son partenaire de confiance, avec qui elle a des liens croissants, la Russie, et de l’autre, ses implications dans les marchés européens et américains, dont elle est dépendante. C’est pourquoi elle choisit de soutenir une voie de résolution diplomatique au conflit, par le biais de l’ONU, tout en évitant d’employer le terme « invasion ».
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