Ramasseurs : les rouages essentiels à la fluidité du jeu

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Pour faire écho à l’entretien avec une ramasseuse de balles que nous avions effectué au Rolex Paris Masters en fin d’année 2022, nous avons profité de notre présence à Roland-Garros pour compléter ce dossier en allant à la rencontre de Léo Mazet, le responsable adjoint du service ramasseurs de balles. Fait amusant : ces jeunes, âgés de 12 à 16 ans, sont la seule population bénévole travaillant sur le tournoi. Léo a été ramasseur de balles en pour la 1ère fois 2013, à 15 ans. « Depuis, c’est une longue histoire d’amour entre Roland-Garros et moi, j’ai eu la chance de vivre toutes les éditions depuis cette première ». Immédiatement, il a compris qu’il s’agissait du métier de ses rêves. Il a donc demandé à rentrer dans l’encadrement l’année suivante. Il a ensuite évolué dans la hiérarchie : encadrant, puis superviseur de zone, et enfin salarié à temps plein de la FFT depuis 2022, en tant que responsable adjoint du service ramasseurs de balles.

Une sélection et une formation rigoureuses et sélectives

Ce service intervient principalement sur Roland-Garros, mais aussi sur le Rolex Paris Masters à Bercy en fin de saison. Le reste l’année est occupé par le processus de sélection des ramasseurs. D’octobre à décembre, la troupe sillonne la France, qui est découpée en ligues. L’équipe passe un week-end dans la grande ville de chaque ligue, et les jeunes qui souhaitent passer les sélections se présentent, après s’être inscrits en ligne. La seule condition est d’être licencié et d’avoir entre 12 et 16 ans. Le niveau tennistique n’est absolument pas pris en compte et n’offre aucun passe-droit. Ce sont 5800 adolescents qui tentent leur chance chaque année, et seulement 400 seront retenus pour le stage de formation.

Ce stage se déroule sur 5 jours en immersion totale sur plusieurs sites répartis sur le territoire français (La Baule, La Grande Motte, Reims et Paris). Pendant ces 5 jours, les ramasseurs apprennent à effectuer leur travail en équipe, six par court : deux côté serveur, deux au filet, deux côté receveur. Car ce n’est pas tout de ramasser les balles, la complexité réside dans leur circulation. Tout doit être organisé pour que les balles reviennent au bon endroit pour servir le joueur dans les meilleures conditions. Alors, pour se mettre en situation, les encadrants jouent au tennis pendant que les jeunes sautent dans le grand bain, corrigés en permanence par 12 personnes qui surveillent leur routine et leur apprennent de nouvelles notions. Au sortir du stage, seuls 200 obtiendront le précieux sésame. A ce nombre viendront s’ajouter les ramasseurs issus de partenariats avec les DOM-TOM et les délégations étrangères, ainsi que 29 ramasseurs expérimentés, ayant déjà participé au tournoi. Hormis cette élite, présente pour aguiller les nouveaux, les ramasseurs ne participent qu’une année, pour donner une chance à leurs camarades la saison suivante. Parmi les 280 ramasseurs au total, seules 77 sont des filles, différence qui s’explique tout simplement par le nombre de licenciées dans cette tranche d’âge (23%).

Un évaluation constante pendant le tournoi, avec des enjeux à la clé

Pendant le tournoi, les ramasseurs sont évalués tous les jours. Chacun reçoit plusieurs notes : régularité, travail d’équipe, sens du jeu sont autant de critères qui sont pris en compte. Le comportement général pèse aussi dans la balance. Comme la population est très jeune, des recadrages sont parfois (mais rarement) nécessaires. Les adolescents sont en compétition pour savoir qui fera partie des 36 meilleurs ramasseurs qui officieront lors des finales, mais Léo Mazet l’assure : « L’ambiance est très bonne entre les ramasseurs, c’est une concurrence saine. Aucun ramasseur n’est déloyal, ce n’est pas du tout l’esprit. Il sont déjà tous très contents d’être là, en général ils vivent un rêve éveillé ».

Les effectifs sont prévus suffisamment larges pour parer à toute éventualité : blessures, coups de fatigue, perte de moyens. « Ca arrive tous les jours qu’on arrête un ramasseur pour lui dire d’aller se reposer ». Il faut dire que les ramasseurs prennent des positions qui ne sont pas vraiment naturelles. Etre statique un genou à terre ou faire le piquet à l’angle du court pendant plusieurs minutes avant de placer une accélération brutale, cela peut user et au bout de quelques jours, cela se ressent. Et puis il y a toujours un risque de blessure plus sérieuse : « en 2017, sur sa première rotation lors des qualifications, une ramasseuse a voulu attraper à une main un service à 215km/h. Fractures à trois doigts, fin de Roland-Garros pour elle… Mais on l’a rappelée l’année suivante ».

A l’issue du tournoi, les meilleurs ramasseurs, mais aussi ceux avec qui le courant passe le mieux humainement, seront sélectionnés pour le Rolex Paris Masters, où seulement 60 sont nécessaires. Mais il s’agit de la seule passerelle qui existe. D’ailleurs, le ballet des ramasseurs peut tout à fait être différent d’un tournoi à l’autre, même en France. Si sur certains tournois, ce sont des encadrants formés à la FTT qui sont aux manettes, la méthode est alors la même. Mais ce n’est pas systématique. Certains tournois fonctionnent avec des ramasseurs locaux et formés différemment.

Pour finir, Léo a partagé avec nous quelques histoires touchantes qui ont eu lieu entre les ramasseurs et les joueurs. Il se souvient notamment d’Elise en 2016, qui était absolument fan de Caroline Garcia : « au point de se mettre à pleurer si elle la voyait ». Cette admiration était revenue aux oreilles de la joueuse, qui lui avait offert son t-shirt et ses poignets. Par la suite, elles avaient échangé sur les réseaux sociaux. D’ailleurs, ladite Elise travaille encore aujourd’hui à Roland-Garros, au service joueurs. Mais la plus belle histoire, et la plus médiatisée, reste celle de Kenza, en 2011. Lors de la mythique demi-finale entre Roger Federer et Novak Djokovic, où le Suisse allait briser la série en cours de 43 victoires du Serbe, la ramasseuse avait écrit dans la terre « Allez Roger » pour encourager son favori. Si le joueur n’avait pas vu le message sur le coup, un photographe a immortalisé l’inscription, qui est devenue virale. Le joueur, touché par cette marque de soutien, a dédicacé et encadré pour elle la chemise rouge qu’il portait lors de la finale perdue au match suivant contre Rafael Nadal. Cet artefact est toujours accroché au mur dans le bureau des ramasseurs.

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