Pour le second article de cette série consacrée à comprendre Odysee, on va explorer le Free State Project (FSP), un projet politique vieux de plus de 20 ans. Pourquoi le FSP ? Jeremy Kauffman, le fondateur d’Odysee, est un haut cadre de ce mouvement. Comprendre l’idéologie derrière le FSP nous permet de mieux cerner celle d’Odysee.

En 2001, Jason Sorens, aujourd’hui directeur du “Center for Ethics in Society” du Saint Anselm College de l’université du New-Hampshire, publie un essai nommé “The Free State Project”. Son but ? Faire en sorte que 20 000 libertariens emménagent dans l’État du New-Hampshire afin d’avoir un poids politique fort. Sur le site du Free State Project, on peut lire que le FSP est “une migration massive de plus de 20 000 personnes qui se sont engagées à déménager dans le New Hampshire pour la liberté. En concentrant nos effectifs dans un seul État, nous maximisons notre impact en tant que militants, entrepreneurs, bâtisseurs communautaires et leaders d’opinion.” Jeremy Kauffman a emmenagé en 2015 avec sa femme dans le New-Hampshire et est devenu membre du conseil d’administration en 2018.

C’est quoi le libertarisme ?

Définissons ce qu’est le libertarisme (aussi appelé libertarianisme) que met en avant le FSP. Sébastien Caré, docteur en science politique et membre du Centre d’Études et de Recherches Autour de la Démocratie (C.E.R.A.D.) de l’Université de Rennes 1, propose en introduction de son livre “Racines théoriques du libertarianisme américain” cette définition : le libertarisme est “la mutation en utopie du libéralisme classique. Cette mutation s’opère à deux niveaux. Elle suit tout d’abord un processus de généralisation permettant aux libertariens de projeter la logique du marché sur tous les aspects du vivre-ensemble, et pas seulement sur la sphère économique. Cette mutation obéit ensuite à un processus de subversion muant la défense des libertés en une lutte incessante contre l’État.

Jeremy Kauffman est un libertarien qui est venu chercher avec le FSP cette forme de liberté libérale et individuelle. Par cette définition, on peut comprendre et justifier les outils qu’il a mis en place avec ses collègues avec LBRY et Odysee. La blockchain, l’utilisation de crypto-monnaies pour les échanges économiques (paiements des créateurs de contenu) ainsi que le peer-to-peer garantissent une grande liberté, notamment de diffusion. La décentralisation de ces fonctionnements et l’utilisation de crypto-monnaies assurent une grande indépendance vis-à-vis de l’État ainsi que des institutions financières. Les crypto-monnaies comme le Bitcoin ou l’Ethereum font d’ailleurs partie des revendications des libertariens du FSP.

Chaque année le FSP organise le Porcfest, un festival réunissant des libertariens. Au programme, conférences, armes à feu, paiement en Bitcoin, fêtes, workshop sur la liberté et bien d’autres choses.

L’autre aspect de cette définition, la “défense des libertés” mué en “une lutte incessante contre l’État”, est principal dans l’idéologie du Free State Project partagé par Odysee.

Le New-Hampshire, un État favorable au libertarisme

Le New Hampshire est un terreau naturel pour les amoureux de la liberté. Il a des impôts bas, une bureaucratie allégée et certaines des lois sur les armes à feu parmi les plus souples d’Amérique. Les adultes peuvent rouler sans ceinture de sécurité ni casque de moto. Le droit de se rebeller lorsque la liberté publique est « manifestement menacée » est inscrit dans la constitution de l’État.

Le New-Hampshire, petit coin de paradis pour libertariens.

Tous ces éléments font de cet État un lieu privilégié pour les ambitions que Jason Sorens avait définies dans son essai de 2001 : “Une fois que nous aurons pris le contrôle du gouvernement de l’État, nous pourrons réduire considérablement les budgets des États locaux, qui représentent une part importante du fardeau fiscal et réglementaire auquel nous sommes confrontés chaque jour. De plus, nous pouvons éliminer une ingérence fédérale substantielle en refusant de prendre les fonds pour les routes et les conditions qui y sont attachées. Une fois que nous aurons accompli ces choses, nous pourrons négocier avec le gouvernement national pour réduire son rôle dans notre État. Nous pouvons utiliser la menace de sécession comme levier pour y parvenir.”

Le principe de non-agression

Ce que beaucoup de Free Stater (le nom donné aux membres du Free State Project) partage, c’est le principe de non-agression. En termes simples, c’est une position éthique qui dit que la violence, ou la menace de violence, contre une personne ou ses biens, est intrinsèquement mauvaise. Carla Gercike, qui a été présidente du Free State Project de mars 2011 à mars 2016, expliquait au journal News From New-Hampshire : « Si vous croyez aux droits de propriété, vous devez croire que le ou la propriétaire du bar a le droit de dire que cet établissement est un établissement fumeur ou non-fumeur. Et si vous n’aimez pas la fumée, n’y allez pas. C’est très simple. Maintenant, ce qui est malheureux, c’est que dans un scénario avec du racisme, peut-être que quelqu’un dirait : ‘Je vais ouvrir un bar réservé aux Noirs. Aucun Blanc n’est autorisé ici.’ Ils devraient être autorisés à le faire. Cela semble horrible, mais si nous nous en tenons à ces principes du début à la fin, le monde entier serait un meilleur endroit parce qu’au moins nous saurions tous quelles sont les règles« .

On comprend mieux, avec cette idéologie, la phrase envoyée par un haut cadre d’Odysee aux modérateurs, “un nazi qui fait des vidéos sur la supériorité de la race blanche” ne constitue pas en soi un motif de retrait. Sur Odysee, soyez vous-même : un jardinier, un joueur de jeux-vidéos, un conspirationniste appelant à la sécession ou un néo-nazi.

Redécouvrez aussi : Série : “Enquête sur une Odysee politique libertarienne” – Épisode 1

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